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Un palais de justice patrimonial à Cowansville depuis 1860

Le palais de justice de Cowansville est un lieu de la mémoire historique pour la région Brome-Misisquoi mais aussi pour la province du Québec depuis 1866. En effet, il s’y est tenu un procès international très médiatisé de seize prisonniers Fenians qui furent capturés et jugés à Sweetsburg en 1866, sous la haute protection des détectives du gouvernement canadien. De Londres à Washington, le procès de Sweetsburg avait un enjeu diplomatique important.

 

Un édifice patrimonial conservé

Construit en 1860 dans l’ancien village de Sweetsburg, maintenant rattaché à la municipalité de Cowansville, le Palais de justice est toujours en fonction aujourd’hui. Cet édifice public représente un patrimoine historique important sur le territoire de Brome-Missisquoi, car son histoire judiciaire a été riche en procès criminel et faits divers au fil du temps. Malgré des rénovations récentes, la façade et la structure extérieure du bâtiment ont gardé le cachet historique, au coeur du premier hameau Churchville créé par John Church en 1799, qui deviendra Sweetsburg en 1854, finalement annexé à Cowansville en 1964.

La construction du bâtiment a un impact démographique et économique sur le village, avec l’arrivée de nouveaux commerces liés au carrefour routier. Le Palais de Justice attirait de nombreux avocats qui s’installent à Sweetsburg. Le shérif du district, les huissiers de la Cour et le geôlier habitent proche de l’édifice à Sweetsburg. De nombreuses maisons luxueuses de différents styles architecturaux sont édifiées à la fin du XIXe siècle sur l’actuelle rue principale qui relie Sweetsburg à Cowansville.

 

Un procès sous haute tension internationale en décembre 1866

Toutes les causes criminelles et celles de la Cour Supérieure sont entendues à Sweetsburg dès 1862. Édifice judiciaire représentant l’ordre public de l’autorité britannique, c’est à ce titre qu’une procédure extraordinaire est déclenchée en novembre 1866 par le Gouverneur-général du Canada, Lord Stanley Monck, pour juger plusieurs membres de la Fraternité irlandaise des Fenians. C’est un procès très médiatique en Amérique du nord qui va se dérouler en décembre 1866, suite à la tentative d’invasion militaire sur le frontière américaine à St-Armand et Frelighsburg dans le comté de Missisquoi.

Quatorze des seize prisonniers Fenians capturés à Frelighsburg doivent être jugés selon le même cadre juridique des mesures de guerre des rébellions de 1837-38. Depuis la prison de Montréal, les condamnés sont escortés par une trentaine de détectives gouvernementaux en civil appartenant aux premiers services spéciaux canadien basé à Montréal. Sous la direction du magistrat et chef de police, le Lieutenant-colonel Ermatinger, les prisonniers Fenians sont envoyés à Sweetsburg par fourgon sur la rive sud puis par train spécial depuis St-Jean-sur-Richelieu jusqu’à la station ferroviaire de Farnham.

À leur arrivée au Palais de justice de Sweetsburg, un premier incident se produit car un cavalier arrive au galop en hurlant que des soldats Fenians ont franchi la frontière pour délivrer les prisonniers. Sur ordre d’Ermatinger, les prisonniers sont rembarqués en fourgon vers la gare de Farnham et un bataillon de la milice canadienne présent à Sweetsburg est envoyé en direction de Frelighsburg. Cette fausse alerte ravive la tension dans la région, où tous pensent que les Fenians vont revenir se venger. De retour à la prison du Palais de justice, un deuxième incident se produit car deux prisonniers irlandais se bagarrent, l’un accusant l’autre d’être à la solde des anglais.

Dans les premiers jours du procès, les presses américaine et canadienne sont présentent dans le tribunal. Le Secrétaire d’État américain Seward envoie son consul de Montréal sur place. Les journalistes américains se font l’écho de l’argument de l’avocat de Montréal commis à la défense par Washington, Bernard Devlin, qui déclare qu’aucun citoyen des États-Unis ne peuvent être jugés ni pendus en sol britannique pour un fait politique. En réponse, le juge Johnson qui préside le tribunal, confirme que seuls les Irlandais nés en Grande-Bretagne seront jugés comme sujet de sa Majesté et donc passibles de la peine de mort. Londres et Washington négocie en coulisse pour éviter un incident diplomatique sur les effets du résultat du procès à Sweetsburg.

Le tribunal identifie trois Irlandais comme sujet britannique car nés en Irlande, Thomas Smith, Michael Crowley et Thomas Madden, qui a été blessé et capturé comme officier Fenian sur la frontière. Coupable de haute trahison, ce dernier met le feu à sa paillasse dans la prison en pleine nuit espérant fuir en provoquant le chaos. L’incendie maitrisé, Madden sera finalement condamné à la sentence capitale en décembre 1866. Cependant, la Couronne transforme sa condamnation à dix de travaux forcés à Kingston en Ontario. Sous la pression de Londres et de Washington, Lord Monck intervient pour ne pas faire de martyrs Fenians en sol canadien, car la future Confédération canadienne ne pouvait pas naitre dans le sang irlandais…

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