L’église d’influence meeting house : un patrimoine de la colonisation
Le développement des Cantons-de-l’Est s’amorce avec la Révolution américaine qui amène des loyalistes, dont plusieurs militaires, à s’établir dans la région dès 1775. Deux ans plus tard, le gouvernement britannique promet aux soldats expatriés une terre de 200 acres s’ils rejoignent son armée. Après le conflit, un premier canton, celui de Dunham est fondé en 1796, suivi de plusieurs autres les années suivantes.
Des prédicateurs américains arrivent autour de 1793. Vivant à l’extérieur et à la merci des éléments, ces prêcheurs itinérants parcourent à pied ou à cheval un territoire d’environ 240 km traversés de chemins et de sentiers. Ils refont sans cesse un circuit avec quatorze lieux de rendez-vous. Le culte est célébré dans des résidences, des étables, au grand air ou dans tout autre endroit pouvant réunir une assemblée.
Les premières confessions à élever un temple sur le territoire sont toutes issues du protestantisme. Les communautés construisent leur église en s’inspirant de l’architecture domestique américaine. Ces lieux de culte, que l’on nomme d’influence meeting house, n’ont pas de clocher ni de symbole religieux à l’extérieur. Un caractère vernaculaire apparait dès les premiers temples grâce à l’abondance de la pierre dans la région qui sera utilisée pour le revêtement extérieur ainsi que l’ardoise recouvrant les toits.
Construite en 1819, l’Église Unie à Philipsburg est la plus ancienne de la MRC. Les poêles à bois et leurs tuyaux sont toujours en place.
Pratiques, ces bâtiments servent aussi à l’origine pour des rencontres publiques d’où leur appellation de meeting house. Les fidèles venant parfois de loin, on retrouve les églises à la croisée de chemin reliant les hameaux, ou sur leur proximité.
Une église exceptionnelle : la chapelle Stanbridge Ridge Stone Chapel
La MRC Brome-Missisquoi peut se vanter d’héberger un temple exceptionnel d’influence meeting house à Stanbridge East. L’authenticité de la chapelle de pierre est exceptionnelle. Vernaculaire, le carré de pierre massif porte un toit à deux versants recouvert d’ardoises. Typiques du XIXe siècle, les fenêtres à guillotine en bois sont ornées de verres colorés. Leur grand format permet le maximum d’éclairage naturel à l’intérieur. Au-dessus de la porte, une pierre de date indique l’année de construction, 1842. Les formes géométriques et l’agencement symétrique des ouvertures évoquent le style néoclassique.
Érigée en 1842 par la communauté baptiste, la chapelle de pierre Stanbridge Ridge à Stanbridge East a l’allure d’une résidence privée.
L’intérieur est unique en raison notamment des box pews, des bancs fermés avec portes. Les motifs peints au pochoir, le chandelier suspendu avec deux luminaires au mur, l’harmonium et le pupitre sont d’origine. Légèrement surélevé, le chœur est embelli par un décor peint en trompe-
Chapelle de pierre Stanbridge Ridge à Stanbridge East. Au début, les vitraux dans les églises protestantes se composent de carrés colorés. Pour les groupes, le vif colis des taches de couleurs embellit l’environnement. À l’avant-plan, les bancs fermés avec portes sont assez uniques.
l’œil. Un poêle à bois est toujours présent et l’église demeure sans électricité. L’éclairage naturel crée un effet remarquable à travers les épais châssis et le verre coloré. Le décor intérieur est d’une rare authenticité.
Chapelle de pierre Stanbridge Ridge à Stanbridge East. Avant de construire une église, une taxe est prélevée parmi les paroissiens. Le décor intérieur raffiné, la qualité du mobilier et de l’éclairage révèlent une communauté en moyen.
Les loyalistes américains ont apporté avec eux des pratiques et des connaissances de leur pays, surtout de la Nouvelle-Angleterre. Les premières églises d’influence meeting house de la région expriment bien cet emprunt aux pratiques d’un autre pays pendant la colonisation lorsque des bâtiments institutionnels servaient à la fois au culte et à l’administration de la communauté. On retrouve aussi ce style dans d’autres régions du Canada, là où des loyalistes ont colonisé des territoires. C’est donc un style unique propre aux origines loyalistes d’une région donnée.
Construite en 1864, l’Église Unie Fulford à Lac-Brome témoigne d’un modèle qui a évolué. Montée sur un étage, l’église est ornée d’un campanile sur le faîte du toit. Le revêtement de planches de bois à clins peint en blanc remplace la pierre. Dans le milieu rural de la région, ce modèle transformé est représentatif de l’architecture religieuse vernaculaire.
La MRC Brome-Missisquoi possède un patrimoine religieux original, même unique. En voiture ou en vélo, il est possible de suivre les traces des prédicateurs pionniers pour découvrir ces bijoux de petites églises jalonnant les routes de la région.
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